La hausse des taux a pratiquement effacé la prime de risque des actions

16 octobre 2023

Pascal Blackburne

Le fait marquant de ces dernières semaines a été la remontée des rendements à long terme. Le bond du Trésor américain à 30 ans a brièvement atteint la barre des 5 % dans les premiers jours d’octobre, ce qui constitue certainement un seuil important pour les investisseurs. Un mouvement similaire est en cours en Europe. Le point de basculement n’a peut-être pas encore eu lieu pour la « grande rotation » des actions vers les obligations, mais un rendement réel de près de 3 % sur les obligations d’État sans risque (en supposant que les banques centrales parviennent à ramener l’inflation à leur objectif de 2 %) semble attrayant.

Alors que les données continuent de dépeindre une économie américaine étonnamment résiliente et que la Fed maintient une position ferme, les rendements nominaux à long terme de l’État américain oscillent actuellement autour de leurs plus hauts niveaux depuis 16 ans. Le niveau de rendement réel (corrigé de l’inflation) qu’ils offriront dépend bien sûr de la capacité de la Fed à juguler l’inflation. L’indice des prix à la consommation américain a reculé ces derniers mois mais, comme nous l’avons indiqué dans notre dernière Lettre d’investissement, il devrait repartir à la hausse en 2024 en raison d’effets de base liés à l’énergie.

Cependant, même si l’inflation ne diminue pas jusqu’à l’objectif officiel de 2 %, les rendements nominaux actuels (4,75 à 5 %) des obligations du Trésor à long terme constituent, à notre avis, un investissement intéressant. Non seulement ils devraient être suffisants pour préserver le capital et le pouvoir d’achat des investisseurs, mais ils semblent également attrayants par rapport aux marchés actions aux valorisations élevées. Surtout si l’on considère que les cours actuels des actions tiennent compte de prévisions de bénéfices consensuelles excessivement optimistes. Les 10 % de croissance moyenne des bénéfices attendus pour les 12 prochains mois constitueront un obstacle difficile à franchir pour de nombreuses entreprises. En effet, nos contacts avec les dirigeants suggèrent que les bénéfices ont été soutenus jusqu’à présent par la liquidation des carnets de commandes, mais que les flux de nouvelles commandes sont (très) faibles.

Ce sera donc un tour de force (voire une impossibilité) pour les entreprises de maintenir leurs bénéfices. Ce qui signifie que la prime de risque des actions – le rendement supplémentaire qu’un investisseur exige pour investir dans des actions plutôt que d’acheter des obligations (environ 3 %) – est en train de fondre comme neige au soleil.

Le seul facteur qui soutiendrait la prime de risque requise dans un avenir proche (et réduirait donc les chances d’une correction du marché boursier) serait une baisse importante des taux d’intérêt. Un scénario que nous considérons comme peu probable à court terme.

Dans le même temps, cependant, nous devons souligner que nous ne nous attendons pas à ce que les banques centrales poussent les taux à la hausse de manière significative, en raison de la pression que cela exercerait sur les finances publiques. C’est particulièrement le cas aux États-Unis où, en raison d’une échéance moyenne plus courte de la dette publique, les taux d’intérêt élevés pèsent déjà lourdement sur le déficit budgétaire. De 500 milliards de dollars en 2022, les coûts d’intérêt sont passés à 700 milliards de dollars en 2023, soit une augmentation considérable de 40 %.

Ce qui nous amène au dollar américain. En supposant que la Fed ait presque terminé ses hausses (c’est-à-dire que le différentiel de taux d’intérêt par rapport à l’Europe pourrait se réduire) et compte tenu du niveau actuel élevé du billet vert sur la base de la parité d’achat, la trajectoire la plus probable au cours des prochains mois est, à notre avis, une dépréciation – ce qui rend la protection des devises plus importante que jamais.

Les obligations d’État européennes constituent, selon nous, une alternative intéressante aux bons du Trésor américain. Les obligations d’État italiennes (BTP) à plus long terme, par exemple, rapportent aujourd’hui à peu près la même chose que leurs homologues américaines (et sans risque de change), un niveau jamais atteint depuis la crise de la dette souveraine de 2011-2012 et même supérieur à la moyenne de 4,6 % de la période 2000-2010.

En outre, les obligations d’entreprises à long terme d’excellente qualité (investment grade) offrent aujourd’hui des rendements intéressants.

C’est donc le bon moment pour accroître le portefeuille obligataire (au détriment de la composante actions) et allonger sa duration moyenne.

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