Verre à moitié plein ou à moitié vide ?

12 février 2024

Pascal Blackburne

Les chiffres récents continuent d’indiquer une économie solide et un recul de l’inflation, en particulier aux États-Unis. À tel point que la banque centrale américaine, tout en reconnaissant que la politique monétaire sera effectivement réorientée cette année, a conseillé aux marchés de repousser de quelques mois leurs attentes en matière de réduction des taux d’intérêt. Une croissance décente des bénéfices et des taux d’intérêt en baisse à l’avenir : une recette miracle pour une hausse des cours des actions en 2024 ? La situation géopolitique toujours incertaine et, plus récemment, le fait que les banques régionales américaines semblent traverser une nouvelle période difficile, cette fois en raison de leur exposition à l’immobilier commercial, viennent cependant compliquer le tableau.

Le 31 janvier, la New York Community Bancorp (NYCB) a surpris les marchés en annonçant une perte trimestrielle de 185 millions d’USD et une réduction de 70 % du dividende. Cela a provoqué la chute du cours de son action et la mise sous surveillance de sa notation par Moody’s. Notons au passage que NYCB figurait parmi les acquéreurs, en mars dernier, d’une partie des actifs de Signature Bank, lorsque cette dernière a suivi Silicon Valley Bank et Silvergate Bank dans la faillite. Ces achats d’actifs ont conduit NYCB à franchir le seuil des 100 milliards de dollars de bilan qui soumet une banque à une surveillance réglementaire accrue, c’est-à-dire à des exigences plus strictes en matière de fonds propres et de liquidités.

Les nouvelles négatives de la NYCB ont entraîné une chute généralisée des actions des banques régionales, l’indice KBW des banques régionales subissant sa pire baisse en une journée depuis les événements funestes de mars 2023. Cette fois-ci, cependant, il ne s’agit pas d’un problème de dépréciation de la dette publique et de déposants fragiles. La perte trimestrielle de NYCB a plutôt été causée par une provision considérable de 552 millions USD pour des pertes potentielles, principalement liées au portefeuille de prêts immobiliers commerciaux de la banque.

A ce sujet, nous rappelons qu’un grand nombre de baux arriveront à échéance dans les 12 prochains mois. Les locataires essaieront de faire baisser les loyers en raison de l’offre excédentaire actuelle de biens commerciaux, ce qui signifie que les propriétaires risquent de percevoir des revenus moindres et auront du mal à rembourser leurs emprunts bancaires (un problème aggravé par la hausse des taux d’intérêt). Nous nous attendons à ce que de nombreux baux commerciaux, en dehors de ceux qui concernent des emplacements de premier ordre, nécessitent une certaine forme de restructuration. Ce qui entraînera de nouvelles dépréciations dans les bilans des banques concernées.

« Oui, mais l’économie résiste bien », pourrait-on rétorquer. Il est vrai que les données publiées, en particulier aux États-Unis, ont continué à surprendre positivement au cours des dernières semaines. Le marché du travail, en particulier, reste très tendu, ce qui stimule la consommation. En fait, ce qui semblait être le meilleur scénario que les investisseurs en actions pouvaient espérer il y a quelques mois encore, à savoir un atterrissage en douceur, s’est transformé en un scénario meilleur : une économie de « conte de fée », combinant une croissance raisonnable et une inflation en baisse.

Un tel scénario positif a, bien sûr, beaucoup à voir avec les dépenses publiques massives visant à rendre l’économie plus « verte » et moins « dépendante des importations ». Le rythme de ces dépenses ne peut évidemment pas continuer à augmenter indéfiniment, sans compter que les investissements sont financés par la dette publique, désormais plus coûteuse. À un moment donné, il faudra s’attaquer à l’augmentation rapide de la dette, en particulier dans les pays où une grande partie des obligations d’État sont détenues par des non-résidents. Mais c’est un problème à régler plus tard.

Les questions les plus pressantes aujourd’hui, au-delà du marché de l’immobilier commercial susmentionné, concernent la géopolitique. Trois guerres majeures sont actuellement en cours, si l’on inclut la guerre par procuration entre l’Iran et les États-Unis au Yémen et dans ses environs. Chacune de ces guerres pourrait échapper à tout contrôle, tout comme une solution pourrait se trouver au coin de la rue. Et pour compliquer encore les choses, il y a l’élection présidentielle américaine de novembre avec, à l’heure actuelle, de fortes chances que Donald Trump regagne la Maison Blanche. Cela ne ferait qu’accroître l’incertitude géopolitique et peut-être même remettre en cause les pierres angulaires du système démocratique américain.

En tant qu’investisseurs, quelle attitude adopter ? Le verre est-il à moitié plein, justifiant une plus grande exposition au risque dans les portefeuilles, ou à moitié vide, ce qui signifie qu’une certaine prudence reste de mise ? Au cours des dernières années, les investisseurs qui ont opté pour une vision plus optimiste se sont bien comportés, aucune des menaces perçues ne s’étant en effet concrétisée. À court terme, nous pensons qu’une exposition légèrement plus importante aux marchés d’actions peut s’avérer payante, à condition qu’elle soit bien diversifiée. En effet, si la volatilité globale des indices boursiers est très faible, il n’en va pas de même pour les valeurs individuelles. Il suffit d’observer les violentes réactions à la hausse et à la baisse des prix des actions aux surprises positives/négatives durant cette saison des résultats trimestriels…

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