Selon le Rapport mondial sur la dette 2025 de l’OCDE, près de 45 % des obligations d’État des pays de l’OCDE arriveront à échéance avant la fin de 2027. Pour la France, l’Espagne, le Royaume-Uni et les États-Unis, quatre pays identifiés dans le rapport comme présentant une « vulnérabilité accrue », ces besoins de refinancement jusqu’en 2027 devraient faire augmenter les paiements d’intérêts en pourcentage du PIB d’environ 0,4 point. Cela intervient à un moment où les déficits budgétaires sont élevés et où les dépenses totales de l’OCDE en matière de paiements d’intérêts dépassent déjà les dépenses de défense. Il n’est donc pas étonnant que le président Trump soit si déterminé à persuader la Réserve fédérale de réduire davantage son taux directeur.
Les récentes évolutions des marchés obligataires américains et européens semblent indiquer une inquiétude croissante concernant l’accumulation de la dette publique. Avec des taux longs qui continuent d’augmenter, même si les taux courts baissent, la « prime de terme » augmente. Cette évolution peut en partie être considérée comme une normalisation bienvenue, car les acheteurs d’obligations à plus longue échéance devraient être récompensés pour leurs périodes de détention prolongées. Mais la pentification de la courbe des taux reflète également, à notre avis, des anticipations d’inflation toujours élevées et des trajectoires inquiétantes de la dette et du déficit publics.
Si l’on considère plus particulièrement les États-Unis, la part importante des bilets du Trésor à court terme (moins d’une année) dans la dette publique totale rend le budget annuel très sensible aux taux d’intérêt. Pourtant, le raisonnement du président Trump concernant la politique de taux d’intérêt de la Réserve fédérale (Fed) semble plutôt simpliste. Faire pression sur la Fed pour qu’elle réduise ses taux revient à comparer un automobiliste qui, lorsqu’il est en retard, décide de rouler plus vite sans tenir compte du risque accru d’accident. Au lieu de se concentrer sur la réduction du coût de la dette, le gouvernement américain (et ses homologues dans d’autres marchés développés) devrait tenter de ralentir son accumulation. Autrement dit, il devrait essayer de stabiliser, voire de réduire, les déficits publics annuels. Ce qui, bien sûr, n’est pas une tâche facile compte tenu des besoins considérables en matière de dépenses futures dans les domaines de la défense et des infrastructures, et des difficultés persistantes à réduire les dépenses de sécurité sociale.
Compte tenu de ces problèmes qui touchent principalement les pays occidentaux, il serait peut-être judicieux de concentrer un peu plus notre attention sur la partie orientale du globe, notamment en augmentant notre exposition aux marchés panasiatiques et au Japon. Ce dernier affiche également un ratio d’endettement élevé (mais avec des échéances beaucoup plus longues et des taux d’intérêt plus bas), mais bénéficie d’une balance courante positive, ce qui signifie que le gouvernement n’a pas besoin de compter sur les flux de capitaux internationaux pour financer ses emprunts. Plus important encore, les progrès réalisés en matière de gouvernance d’entreprise au Japon ont été impressionnants ces dernières années. Le réseau complexe de participations croisées entre entreprises est progressivement démantelé, les liquidités générées étant utilisées à la place pour verser des dividendes et effectuer des rachats d’actions. La croissance du bénéfice par action des entreprises s’est accélérée et est désormais comparable à celle des entreprises américaines, tandis que les multiples de valorisation sont beaucoup moins élevés. Sans oublier que les salaires augmentent actuellement plus vite que les prix, ce qui stimule le pouvoir d’achat des consommateurs et est positif pour la croissance économique future.
En Chine, la récente remontée des indices boursiers nationaux a été impressionnante, même si elle a été alimentée par la liquidité plutôt que par les fondamentaux. La consommation reste en effet morose et le marché immobilier déprimé. Quant aux marges des entreprises, la concurrence féroce sur le marché intérieur est une source de préoccupation croissante, le marché des véhicules électriques en étant un excellent exemple. Tout cela pour dire que, malgré l’optimisme affiché récemment par les investisseurs privés chinois et les gestionnaires de fonds locaux, il semble plus approprié à ce stade d’opter pour une exposition panasiatique plus large plutôt que de se concentrer uniquement sur les actions chinoises de catégorie A.
En résumé, le poids inquiétant de la dette et le contexte géopolitique – en particulier du point de vue occidental, et certainement européen – suggèrent qu’une exposition régionale plus équilibrée dans les portefeuilles est souhaitable. Et bien que les opportunités d’investissement se raréfient, compte tenu des valorisations élevées et du degré d’incertitude considérable, notre positionnement sectoriel continue de privilégier les valeurs cycliques par rapport aux secteurs liés à la consommation. Ces derniers sont en effet les plus touchés par les droits de douane à l’importation, la pression à la baisse sur les dépenses sociales et l’affaiblissement du marché de l’emploi. Les premiers, quant à eux, devraient bénéficier de l’augmentation des dépenses futures dans les domaines de la défense et des infrastructures, à condition, bien sûr, que les gouvernements puissent continuer à lever suffisamment de fonds sur les marchés financiers en émettant encore plus d’obligations d’État…