Les banques centrales, les gouvernements, les régulateurs et les investisseurs semblent tous partager une vision commune: les risques financiers sont au mieux transitoires, au moins gérables ou – pire – inexistants. En fait, tout le monde compte sur l’environnement actuel de taux d’intérêt bas, de dépenses publiques massives, de hausse des cours boursiers et de stabilité du système financier pour durer. Effrayant, n’est-ce pas ?
Qu’en est-il de l’inflation attendue, par exemple ? Les banques centrales, avec la Réserve fédérale (Fed) en tête, sont convaincues(ou dumoins le prétendent) que les fortes hausses de prix dues à la libération progressive de la demande, bridée durant plusieurs mois, dans un contexte de goulots d’étranglement de la production, après une année de restrictions Covid-19 de toutes sortes, ne sont que temporaires. Pourtant, comme le consommateur moyen peut en témoigner, les prix des produits de base ont eu tendance à augmenter depuis un certain temps, érodant le pouvoir d’achat, et ce, avant même que la pandémie ne frappe. D’où la pression omniprésente et croissante pour une compensation du côté des revenus, tant en termes de salaires que de prestations sociales.
L’inégalité croissante entre les « nantis » et les « démunis », dont l’économiste français Thomas Piketty parlait déjà en 2013 dans son ouvrage fondamental intitulé « Le capital au XXIe siècle », est plus que jamais d’actualité – grâce à la crise du Covid-19. La société civile dispose désormais de davantage de munitions pour lutter en faveur d’un salaire minimum plus élevé et d’une répartition plus équitable des richesses.
La question que nous nous posons est donc de savoir si les hausses de prix actuelles et futures – principalement dues à l’augmentation des coûts des matières premières (le cuivre se négocie à un niveau record depuis plusieurs décennies) et des transports – ne conduiront pas à une forme de spirale salariale, comme celle que nous avons connue dans les années 1970. Les tendances géopolitiques actuelles à « relocaliser » la production de biens essentiels, plutôt que de les importer de pays à bas salaires qui ont un régime social différent – et dont le monde occidental est devenu excessivement dépendant – ne seront pas non plus déflationnistes, à notre humble avis.
La spéculation toujours plus grande sur les marchés financiers et la complaisance ambiante nous préoccupent également de plus en plus. Si l’on se réfère à la grande crise financière de 2008-2009, on pourrait dire que nous avons en fait déjà eu droit à l' »avertissement Bear Stearns », avec les explosions des fonds Melvin Capital ou Greenshill et, plus récemment, du hedge fund Archegos, qui a infligé des milliards de pertes au système bancaire (et ce, même dans des conditions de marché favorables). De nouveaux produits et structures financières apparaissent également (par exemple, les SPAC), dans lesquels des sommes colossales sont investies et dont les risques sont difficiles à évaluer, même par des investisseurs avertis. Pourtant, les régulateurs affirment que tout est sous contrôle et que la stabilité du système financier n’est pas en danger. N’avons-nous pas déjà entendu cela ?
À l’heure actuelle, la communauté des investisseurs semble heureuse de croire que les banques centrales ne relèveront pas (ne seront pas forcées de le faire) les taux d’intérêt, que les gouvernements seront en mesure de mener à bien leurs programmes de dépenses massives sans faire grimper les prix et, oui, que les régulateurs ont la mainmise sur le système financier (c’est-à-dire les banques). Bien sûr, nous ne savons pas si (et encore moins quand) le vent va tourner, mais nous ne saurions trop insister sur l’importance de conserver des portefeuilles bien diversifiés et de se tenir à l’écart des valeurs à la mode, qui brûlent leur trésorerie comme si c’était une bonne chose et se négocient à des « multiples » défiant toute imagination. Il faut continuer à se concentrer sur les sociétés à valorisation « raisonnable » – celles avec de la substance – qui génèrent un flux de trésorerie durable, même si elles ne sont pas toujours populaires. Comme les constructeurs automobiles, les télécoms ou les producteurs de pétrole de schiste par exemple.
Une couverture partielle de la partie actions des portefeuilles contre une éventuelle correction soudaine et brutale, en utilisant des options put sur un indice large tel que l’Eurostoxx 50, nous semble également appropriée, de même que le maintien d’une duration relativement courte de la partie obligataire.
VACCINS COVID-19 : DISCUSSION SUR LES BREVETS
Après avoir surpris le monde par son soutien à l’initiative de l’OCDE visant à soumettre les multinationales à un taux d’imposition minimum, l’administration Biden a une fois de plus surpris son monde en préconisant la levée des brevets sur les vaccins Covid-19. Si elle a dû en arriver là, c’est en réalité à cause de l’échec de COVAX, une initiative mise en place au sein de l’Organisation mondiale de la santé et dans le cadre de laquelle les pays « riches » devaient fournir les ressources nécessaires pour mettre massivement des vaccins à disposition des pays « pauvres ». L’idée de base était que le poids de COVAX lui permettrait d’acheter des vaccins à bas prix (et d’en assurer la logistique). Les réflexes nationalistes des pays « riches » – vacciner d’abord leur propre population – empêchent cependant ce programme d’aboutir. Tous les vaccins disponibles sont réclamés par les pays supposés être les financiers, la Chine étant une exception notable.
C’est pourquoi, sous la pression des médias et des ONG, une autre voie est maintenant envisagée: rendre les vaccins libres de tout brevet. Nous trouvons quelque peu ironique de voir les Etats-Unis soutenir cette idée, puisqu’ils ont contribué à l’échec de COVAX. Outre le fait que la levée des brevets des vaccins Covid-19 ne résoudra pas immédiatement le problème de leur production (les pays « pauvres » ne disposant pas des installations nécessaires et le processus de fabrication est technologiquement complexe), on peut également se demander s’il est sage, d’un point de vue géopolitique, de simplement donner la toute nouvelle technologie de l’ARN messager. En outre, emprunter une telle voie peut bien sûr avoir des conséquences sur le financement futur des budgets de recherche des entreprises de biotechnologie. Les investisseurs seront-ils encore prêts à prendre le risque financier d’injecter des fonds dans ce secteur s’ils ne sont pas sûrs d’en récolter les fruits ? À notre avis, la meilleure voie, la plus rapide et la moins dommageable, serait de soutenir pleinement le programme COVAX. Et si les multinationales pharmaceutiques génèrent des bénéfices excessifs grâce à leur position monopolistique, les gouvernements peuvent toujours les soumettre à une taxe spéciale – récupérant ainsi une partie du généreux soutien public fourni pendant la phase de développement du vaccin. Cela ne doit pas être plus difficile que cela.
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