Chine : le moment du « Quoi qu’il en coûte ? »

11 octobre 2024

Pascal Blackburne

Dans les derniers jours de septembre, les autorités chinoises ont annoncé une série de mesures de relance, prenant le monde financier par surprise et déclenchant une forte hausse du marché boursier local – sous-évalué. Le fait que Pékin ait décidé de s’appuyer sur le déploiement de capitaux privés plutôt que sur des fonds publics pourrait toutefois limiter l’impact économique (et commercial) à court terme de ce plan de relance. Entre-temps, et c’est compréhensible, tous les regards se tournent vers le Moyen-Orient, où le conflit entre Israël et le Hamas a pris une tournure beaucoup plus large. Un scénario dans lequel les installations pétrolières iraniennes seraient attaquées et/ou le détroit d’Ormuz fermé, entraînant une hausse des prix du pétrole, n’est plus à exclure.

Toute pression inflationniste sévère induite par le pétrole, à un moment où les banques centrales occidentales cherchent à réduire davantage les taux d’intérêt pour soutenir la croissance économique (et soulager les gouvernements endettés), serait évidemment une évolution plutôt malvenue.

Les mesures fiscales et monétaires coordonnées annoncées dans les jours précédant la fête nationale chinoise ont été présentées comme le programme de relance le plus agressif du pays depuis des années. Le marché local des actions a certainement réagi rapidement et avec enthousiasme, avec un gain de 27 % de l’indice Shanghai Shenzhen CSI 300 en l’espace de quelques jours seulement. Une hausse qui, selon nous, est davantage liée au facteur de surprise (clôture des positions « à découvert ») et à des considérations de valorisation (les actions chinoises étaient très bon marché) qu’à une amélioration économiques quantifiable à court terme.

Quant à la surprise : en mars dernier, nous avons mentionné dans cette lettre à quel point nous trouvions intrigante la très forte augmentation des importations chinoises de minerai de fer et de charbon (en provenance respectivement du Brésil et d’Australie). Soulignant que les importations de produits de base sont toujours le point de départ d’une expansion économique plus rapide, nous écrivions que notre point de vue sur la Chine était un peu plus optimiste que le consensus général. Avec le recul, nous pensons aujourd’hui que les autorités chinoises avaient déjà prévu ces mesures de relance et qu’elles ont profité de la faiblesse des prix du minerai de fer pour s’y préparer et constituer un stock à moindre frais.

En termes de valorisation, les actions chinoises avaient clairement atteint des niveaux extrêmes de pessimisme. Leur ratio cours/bénéfice futur n’était que de 11,5x juste avant que Pékin ne commence à dévoiler ses diverses mesures, soit près de 20 % de moins que la moyenne sur 10 ans (13,7x). À la suite du rebond, le ratio cours/bénéfice futur est passé à 14,5x, ce qui signifie que le marché a déjà intégré, en partie, l’impact positif du plan de relance sur l’économie et les bénéfices des entreprises.

Ce qui nous amène à la question clé : comment et dans quelle mesure ce plan de relance déploiera-t-il ses effets ? Si l’on considère le marché immobilier, qui est manifestement le principal problème actuel de la Chine, les mesures proposées sont indirectes par nature. Plutôt que d’injecter des fonds publics, les autorités souhaitent mobiliser des capitaux privés, par exemple en levant les limites imposées au nombre de biens immobiliers qu’un particulier peut acheter, en abaissant les taux hypothécaires ou en réduisant les réserves obligatoires des banques. Cette approche est logique, étant donné l’énorme stock d’épargne détenu par les ménages chinois. Il est toutefois difficile de prévoir quelle part de cette épargne sera effectivement utilisée pour acheter des biens immobiliers au cours des prochains mois.

Selon le McKinsey China Consumer Report de 2024, la confiance semble actuellement particulièrement faible au sein de la génération clé des millennials (26-41 ans). Selon nous, un meilleur filet de sécurité sociale – en particulier un système de retraite plus généreux – constituerait une forte incitation à l’augmentation des dépenses/investissements privés en Chine. À cet égard, il convient de noter que le renforcement de la sécurité sociale était précisément l’un des principaux sujets abordés lors du « troisième plénum » du parti communiste chinois en juillet dernier, une réunion qui se tient tous les cinq ans environ et qui vise à définir les tendances politiques à long terme. La tâche ne sera pas aisée compte tenu de la situation démographique très difficile de la Chine (dont la population devrait presque diminuer de moitié d’ici 2100 en raison de la politique de l’enfant unique). Par conséquent, les investisseurs devront faire preuve de patience et rester modestes dans leurs attentes en matière de rendement à court terme. Nous avons néanmoins choisi de maintenir notre (petite) exposition aux actions chinoises, en reconnaissant qu’elles restent « bon marché » par rapport à leurs homologues américaines et européennes, et en tenant compte des taux de croissance du PIB attendus dans chacun de ces trois blocs géographiques.

Au Moyen-Orient, la récente invasion du Sud-Liban par Israël (pour lutter contre le Hezbollah chiite) et l’attaque de missiles de l’Iran contre Israël qui a suivi ont clairement modifié la situation globale – et les risques associés. Une contre-attaque d’Israël contre l’Iran est désormais envisagée, avec le soutien éventuel des États-Unis. La seule restriction énoncée publiquement par le président Biden est que les installations nucléaires iraniennes soient épargnées. En d’autres termes, il est toujours possible de cibler les installations militaires iraniennes ou les installations de production de pétrole (une source majeure de revenus pour l’Iran). Cela pourrait même être considéré comme une occasion de renverser le régime iranien. En outre, la date des élections présidentielles américaines approchant à grands pas, le président sortant pourrait vouloir éviter une hausse des prix du pétrole et de nouvelles turbulences géopolitiques afin de conserver les chances d’une victoire démocrate. Mais qu’en sera-t-il après les élections ?

Si Israël attaque les installations pétrolières iraniennes, la seule réponse possible que nous pouvons attendre de l’Iran (ou plutôt celle qui causerait le plus de dégâts) est la fermeture du détroit d’Ormuz – l’unique porte d’accès au golfe Persique. Cela paralyserait le flux de pétrole en provenance de l’Irak et du Koweït, entre autres. Quant à l’Arabie saoudite, l’un des rares producteurs de l’OPEP à disposer d’une importante capacité de production en réserve, elle ne pourrait expédier du pétrole qu’à partir de sa côte ouest (la mer Rouge), ce qui limiterait fortement ses exportations. De plus, l’accès à la mer Rouge est actuellement fortement entravé par les Houthis yéménites (alliés de l’Iran). Il va sans dire que l’impact sur le prix du pétrole dans un tel scénario serait considérable, ravivant les craintes d’inflation.

Pour les banques centrales occidentales, qui ont actuellement l’intention de réduire encore leurs taux afin de soutenir la croissance économique et, plus important encore, d’alléger la charge des intérêts pesant sur les gouvernements criblés de dettes, une poussée inflationniste serait très mal accueillie. De toute évidence, les marchés boursiers seraient eux aussi perturbés. À cet égard, les investissements dans l’énergie, ainsi que l’exposition aux métaux précieux, devraient aujourd’hui être considérés comme des couvertures potentielles de portefeuille contre un scénario géopolitique défavorable.

Un mot, enfin, sur l’Europe. En supposant que la BCE puisse effectivement poursuivre son assouplissement monétaire, les prochaines baisses de taux pouvant même intervenir plus tôt que prévu, la détention d’obligations d’État à long terme reste, selon nous, une stratégie judicieuse.

Si la baisse des taux d’intérêt favorise la valorisation des actions, les bénéfices des entreprises sont sous pression. Non seulement l’Europe n’a pas de « Magnificent 7 », mais des mesures d’austérité se profilent en France et dans plusieurs autres pays européens. Certains secteurs (en particulier l’industrie manufacturière et le commerce de détail) subissent de fortes pressions, l’industrie automobile étant un exemple parfait avec de lourdes pertes actuelles. Contrairement aux États-Unis, qui ont érigé de lourdes barrières commerciales et invoquent désormais des questions de sécurité nationale pour bloquer complètement la vente de véhicules électriques chinois aux États-Unis, même s’ils y sont fabriqués, les autorités européennes laissent leurs constructeurs automobiles faire les frais de la concurrence chinoise à bas prix. Les droits de douane (limités) récemment imposés ne suffiront peut-être pas à calmer la tempête « jaune ». Dans le même temps, la Commission européenne impose des objectifs stricts en matière d’émissions (et des amendes) qui obligeront les constructeurs automobiles européens à réduire les ventes de modèles à moteur à combustion, ce qui nuira à la fois aux bénéfices et à l’emploi dans le secteur.

Au final, les perspectives de taux d’intérêt restent favorables pour les marchés financiers, ce qui permet de compenser les bénéfices potentiellement décevants. Toutefois, si la situation au Moyen-Orient devenait incontrôlable, ce soutien des taux pourrait disparaître. Une résurgence de l’inflation due à des prix du pétrole (beaucoup) plus élevés inciterait les banques centrales à interrompre, voire à inverser, la politique actuelle de réduction progressive des taux.

Dans un tel scénario défavorable, comme nous l’avons déjà mentionné, les actions énergétiques et métaux précieux seraient probablement les couvertures de portefeuille les plus efficaces. Mais espérons que tout ira pour le mieux.

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