Chantage Et Mesures Arbitraires

22 août 2025

Pascal Blackburne

Initialement présentée comme un moyen d’atteindre un meilleur équilibre dans les flux commerciaux, la politique commerciale du président Trump se transforme aujourd’hui en une mesure punitive pour des « violations » présumées qui n’ont souvent que peu de rapport avec l’économie. Et les exemptions à l’importation/exportation récemment accordées à certaines entreprises américaines risquent de rendre la concurrence mondiale encore plus inégale. Le libre marché de ces dernières décennies est en train de disparaître sous nos yeux, et il devient de plus en plus difficile pour les dirigeants d’entreprises et les investisseurs de prendre des décisions éclairées.

Bien que fondés sur un calcul discutable et simpliste, les niveaux de droits de douane initialement annoncés par le président américain en avril étaient liés aux flux commerciaux existants (de biens, et non de services) entre chaque pays et les États-Unis. L’objectif déclaré était d’éliminer les déficits commerciaux américains et, grâce à une relocalisation de la production, de stimuler l’emploi national.

Quatre mois plus tard, force est de constater que la politique tarifaire a également pris un caractère punitif. Fort du pouvoir qu’il pense exercer dans les négociations commerciales, Donald Trump semble considérer toute cette question comme un « jeu » et s’en servir désormais pour régler des comptes personnels ou politiques. Ainsi, les droits de douane de 50% imposés sur de nombreuses exportations brésiliennes vers les États-Unis sont une réponse aux déboires judiciaires de son allié, l’ancien président Jair Bolsonaro. L’Afrique du Sud, quant à elle, s’est vu infliger des droits de douane de 30% (les plus élevés du continent africain avec la Libye et l’Algérie) en raison de prétendues pratiques racistes à l’encontre des fermiers blancs.

Pour aggraver encore la situation, les récentes décisions de Donald Trump se sont déplacées vers le niveau des entreprises. Bien que la politique géostratégique officielle des États-Unis interdise la vente de semi-conducteurs haut de gamme à la Chine, Nvidia et AMD ont été explicitement autorisées à exporter des puces d’intelligence artificielle vers ce pays, en échange d’une rétrocession de 15% des revenus ainsi générés au gouvernement américain. De même, Apple sera exemptée des droits de douane de 100 % que l’administration américaine prévoit d’imposer sur les importations de semi-conducteurs, au motif que l’entreprise s’est engagée à investir 600 milliards de dollars aux États-Unis au cours des quatre prochaines années.

Ces accords commerciaux spécifiques soulignent la nature de plus en plus « sauvage » du commerce mondial, où la loi du plus fort prévaut. Peu de forces contraires ont émergé jusqu’à présent. Les tribunaux américains ont été saisis à plusieurs niveaux et pour de nombreux motifs, mais semblent eux aussi quelque peu « craintifs » face à la nouvelle administration.

Le président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Jerome Powell, tient bon malgré les pressions incessantes pour qu’il baisse les taux d’intérêt, mais ses jours à la tête de la banque centrale américaine sont comptés, son mandat expirant en mai 2026. Sans oublier qu’un nouveau gouverneur de la Fed vient d’être nommé par Donald Trump, ce qui augmente le nombre de voix dissidentes au sein du comité de décision sur les taux d’intérêt.

Du côté de l’armée, les généraux qui avaient exprimé leurs inquiétudes avant l’élection présidentielle semblent avoir disparu, laissant le président Trump libre de déployer des troupes aux États-Unis contre son propre peuple (ou du moins lui permettant de le faire). Nous faisons bien sûr référence aux événements récents à Los Angeles et à Washington DC.

Jusqu’à présent, les marchés boursiers semblent largement insensibles à ces développements, peut-être parce qu’ils ne croient pas vraiment aux nombreuses annonces faites par le président Trump, connu pour revenir souvent sur ses décisions. Il semble également y avoir un décalage entre les risques macroéconomiques globaux posés par la politique commerciale américaine, sous la forme d’un ralentissement de la croissance intérieure et d’une inflation accrue, et la réalité microéconomique. Les indices boursiers sont composés d’une multitude d’entreprises, chacune essayant de s’adapter à la nouvelle situation. Et ce n’est pas si mal pour l’instant, à en juger par les résultats des entreprises au deuxième trimestre.

Cela dit, la croissance globalement solide des bénéfices de l’indice S&P 500 masque des divergences importantes entre les secteurs et les entreprises. En effet, la sélection des titres devient très difficile dans le contexte actuel, caractérisé par une évolution constante et une disparité croissante des conditions de concurrence au niveau mondial. Tout en maintenant notre exposition aux actions, en partie faute d’alternatives, nous continuons donc à souligner l’importance de la diversification. Tout en évitant bien sûr les titres les plus chèrement valorisés, qui seraient les plus touchés en cas de correction.

Une dernière remarque concernant le prix du pétrole qui, à notre grande surprise, reste stable malgré les nouvelles hausses de production annoncées début août par l’OPEP+, qui représentent désormais une augmentation de près d’un million de barils par jour depuis le début de l’année. Compte tenu de la stabilité apparente des niveaux des stocks, soit la croissance économique mondiale ralentit moins que prévu, ce qui permet d’absorber pour l’instant ces barils supplémentaires, soit les hausses de production (de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis) ne font que compenser la récente baisse de la production russe. Quoi qu’il en soit, nous notons également que la production américaine se stabilise (et pourrait même commencer à diminuer d’ici un an ou deux) et que les compagnies pétrolières américaines réduisent leurs plans d’investissement, malgré le slogan « drill, baby, drill » du président Trump. Cela signifie qu’elles sont, elles aussi, préoccupées par une baisse future des prix, par exemple si un accord de paix est conclu entre la Russie et l’Ukraine et que la Russie retrouve un accès normal au marché (et, plus important encore, l’accès aux ressources technologiques occidentales dans le domaine pétrolier) ou si l’OPEP+ continue d’augmenter sa production au second semestre. Nous ne prévoyons pas de hausse des prix du pétrole avant 2027 à minima, à moins que la situation géopolitique ne dégénère davantage.

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